Conclusions du Comité d’Éminents Économistes Haïti Priorise
Port-au-Prince, 3 Mai 2017
Le développement des nations s'opère à partir de ressources intrinsèquement restreintes. Toutefois, les possibilités d’interventions sont immenses. Il est donc nécessaire de les classer par ordre de priorité. Quantifier les coûts et les avantages de chacune des propositions doit améliorer le débat public concernant ces priorités. Haïti Priorise a travaillé avec plus de 700 experts du secteur représentant le gouvernement, des donateurs, des comités de réflexion, des universités et des ONG. Une cinquantaine d'économistes haïtiens et étrangers ont travaillé à l'identification et à l'étude de 85 propositions concrètes qui amélioreraient le bien-être social, économique et environnemental d’Haïti. Quarante-cinq rapports de recherche ont été rédigés et évalués par des experts universitaires et des spécialistes du secteur. Ces documents de recherche ont tous été présentés à un Comité d’Éminents Économistes à Port-au-Prince.
Top 10 interventions
1. Réformer l’EDH
Mettre en place le cadre législatif et régulatoire afin de rendre l’EDH plus efficace, autonome, et transparent dans ses opérations. Les coûts s’élèveraient à 2,25 milliards de gourdes et les avantages vaudraient 49,2 milliards de gourdes.
2. Enrichissement de la farine de blé
Ajouter du fer et de l'acide folique à la farine de blé lors du broyage. Dépenser 331 millions de gourdes pour fortifier 95% de la farine de blé éviterait 140 décès par anomalie du tube neural et plus de 250 000 cas d'anémie chaque année.
3. Stimulation de la petite enfance
Offrir deux années d’éducation avant l’enseignement primaire pour 516 000 enfants. Ceci couterait 7 milliards de gourdes annuellement, mais les avantages escomptés comprennent les salaires plus élevés sur le marché du travail.
4. Formation de premiers intervenants
Fournir plusieurs jours de formation aux premiers soins aux bénévoles du pays. Cela coûterait 80 millions de gourdes au cours de la première année et sauverait environ 700 vies chaque année.
5. Vaccination infantile, 0 à 1 ans
Etendre la couverture vaccinale infantile à 90% d’ici 2020. Les coûts s’étaleraient à 2.4 milliards de gourdes sur 5 ans. 864,000 enfants seront vaccinés et 16 000 vies seront sauvées.
6. Santé maternelle et néonatale
Fournir des soins obstétricaux et néonatals. Atteindre une couverture de 95% coûterait 11 milliards de gourdes. Cela réduirait le taux de mortalité maternelle de 65% etpermettrait de sauver plus de 500 mères et 3 000 nouveau-nés.
7. Accès à la contraception
Développer des services de santé sexuelle et reproductive pour répondre à 100% des besoins non satisfaits. Cela coûterait 1,5 milliards de gourdes par an, réduirait la mortalité des moins de 5 ans de 70%, réduirait la mortalité maternelle et créerait un « dividende démographique ».
8. Personnel qualifié lors de l’accouchement
S'assurer que des sages-femmes qualifiées fournissent des soins à la naissance pour les accouchements normaux, y comprises la réanimation néonatale et des pratiques postnatales propres. Cela éviterait 1 700 décès par an et coûterait 8 milliards de gourdes. Les avantages seraient équivalents à 59 milliards de gourdes.
9. Internet mobile à haut débit
Augmenter l’accès à l’internet à haut débit afin d’atteindre 50% de couverture sur cinq ans, par l’installation d’une cable sous-marin. Cela couterait 56 milliards de gourdes et stimulerait la croissance économique à la hauteur de 685 milliards de gourdes.
10. Système électronique des douanes au Port du Cap-Haïtien
Numérisation du Port du Cap-Haïtien permettrait de réduire les coûts des services portuaires, augmenterait les recettes douanières et réduirait la contrebande. Les avantages vaudraient plus de 5 milliards de gourdes.
Le Comité d’Éminents Économistes
Le Comité d’Éminents Économistes comprend :
- Ketleen Florestal, qui travaille depuis 2010 pour le Comité de la Banque Mondiale en tant que conseillère du Directeur Exécutif pour Haïti. Elle représente également Haïti au sein du Conseil d'Administration du Fonds Monétaire International (FMI). Elle a récemment occupé la fonction de représentante de l'emprunteur LAC dans les négociations IDA18. Elle a également représenté Haïti lors du rassemblement du G7+ comprenant 20 pays dans des situations précaires. Elle a aussi travaillé comme économiste senior à la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et dans diverses fonctions et positions au Ministère de l’Économie et des Finances en Haïti, à la Banque Centrale et au Ministère de la Justice. Elle détient un BA en Économie de l'Université de Princeton (États-Unis), un MIA dans la Gestion des Politiques Economiques de l'Université de Columbia (États-Unis) et un MA en Économie Appliquée de l’Université de John Hopkins (États-Unis). Elle a également fait des études en Droit à l’Université d’État d’Haïti.
- Philomé Joseph Raymond Magloire, ancien gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), se spécialise en Finance et en Économie. Il a réalisé sa première carrière professionnelle avec la BID. Il a fourni des services de consultations aux entreprises et au gouvernement haïtien et a été membre de diverses organisations du secteur privé. Il est titulaire d’un Bachelor’s Degree en Business et d’un MBA de l'Université de Columbia (États-Unis) et a enseigné à l'Université Quisqueya en Haïti, à l'Université de Porto Rico et à l'Université de New York.
- Kesner Pharel, un éminent économiste jouant un rôle central dans la diffusion et la sensibilisation des questions économiques, en particulier les questions concernant les finances publiques, par le biais de sa chronique hebdomadaire sur Radio Télé Métropole et d'innombrables conférences. Il a commencé sa carrière à la Banque Centrale d'Haïti et a ensuite fondé la société de conseil, Group Croissance, en 1994, dont il est le PDG. Pharel travaille en étroite collaboration avec des institutions publiques, des administrations municipales et en particulier sur la budgétisation et la planification du développement. Pharel a fréquenté l’Université de George Washington (États-Unis), où il a obtenu un Bachelor’s en Sciences Politiques et en Économie. Il détient un Masters en Administration Publique de l’Université de Harvard (États-Unis) et une maitrise en Administration Sportive de Université de Lyon (France).
- Dr. Vernon L. Smith, détenteur du prix Nobel de sciences économiques en 2002 pour son travail novateur en économie expérimentale. Dr Smith a des nominations conjointes à la Argyros School of Business & Economics et à la Fowler School of Law, et il fait partie d'une équipe qui va créer et diriger le nouvel Institut de Sciences Economiques de l’Université Chapman.
La méthodologie de recherche d’Haïti Priorise
Haïti Priorise suit l'approche du Copenhagen Consensus, affinée au cours des treize dernières années pour améliorer les priorités de dépenses mondiales, nationales et régionales. Le projet est soutenu financièrement par le gouvernement du Canada .1
En 2016, de nombreuses rencontres entre les différentes parties prenantes ont eu lieu en Haïti avec près de 150 personnes représentant le gouvernement, les donateurs, les universitaires, les ONG, les comités de réflexion et les experts du secteur. Le Plan Stratégique de Développement d’Haïti et les rapports internationaux ont été analysés afin d'identifier les principaux axes prioritaires. Cette liste, une fois élaborée a été examinée par deux comités de référence. Le premier comprenait les principaux acteurs nationaux tandis que le second Comité était composé de représentants influents de haut niveau de la communauté internationale. Une série de 17 tables sectorielles a été organisée, couvrant 18 domaines thématiques.
Ce processus a abouti à une liste de plus de 1 000 propositions aux principaux défis nationaux. Plus de 700 experts représentant le gouvernement, les donateurs, les universitaires, les ONG, les comités de réflexion et les experts du secteur ont participé à ces tables sectorielles afin de proposer les meilleures interventions qui pouvait être évalué en utilisant l’analyse coût-avantage. Avec les apports des deux comités de références, la liste d’interventions retenue pour la recherche a été défini.
Les chercheurs locaux et internationaux prennent le relais, à partir de cette étape, 80 propositions furent analysées. Les critères furent normalisés et standardisés pour permettre une analyse universelle. Un processus d’examen par des pairs a été intégré à la recherche, afin d’assurer un niveau de qualité tout en tenant compte d’un large éventail de points de vue d'experts, incluant, bien sûr, les experts Haïtiens.
Conseil Consultatif
Le projet Haïti Priorise a été guidé par un Conseil Consultatif comprenant :
- Camille Chalmers, professeur d’Economie à l'Université d'Etat d'Haïti depuis 1980. Il est le coordinateur de la PAPDA (Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif), une plateforme de la société civile qui comprend des organisations de divers secteurs. La plateforme a pour vocation d'engager la conversation avec le gouvernement sur les alternatives politiques et de développement. Il est également membre de deux comités de recherche au sein de CLACSO (Concejo Latinoamericano de Sciences Sociales), qui travaillent sur l'identification des principaux obstacles au développement social et économique.
- Dr. Eddy Labossière, titulaire d'une licence en Génie Civil de l'Université d'État d'Haïti, d'une maitrise de l'Université de Montréal HEC au Canada, d'une maîtrise en Économie de l'Université internationale de Floride et d'un doctorat en Économie de l'Université de New York (CUNY). Après avoir travaillé au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) pendant 15 ans, il fournit des services de conseil au Parlement, à la Banque Centrale et au Ministère des Finances. Il est également professeur d'Économie, de Gestion et de Finance à l'Université Quisqueya. Il est actuellement président de l'Association Haïtienne des Économistes.
- Dr. Kathleen Dorsainvil a obtenu son premier diplôme en Statistique Économique de l'École Nationale de la Statistique et de l'Administration Économique (ENSAE) en France et un doctorat en Économie de l'Université d’État de Pennsylvanie (États-Unis). Elle a travaillé comme analyste chez Bell Canada et en Haïti en tant que conseillère du Ministre des Finances pendant huit ans. Elle a enseigné l'Économie aux cycles supérieurs et au premiers cycles à l'Université Howard, à l'Université d'État de Winston-Salem, au Bentley College et à l'American University aux États-Unis. Dr. Dorsainvil a participé à de nombreuses conférences professionnelles et a été invitée à plusieurs tables rondes à la Brookings Institution à Washington DC.
- Pierre-Marie Boisson Président du conseil d'administration de la SOGESOL, une société de micro finance et une filiale de SOGEBANK. Il est également le conseiller économique en chef du conseil d'administration de SOGEBANK, membre du conseil d'administration de SOGEXPRESS, une autre filiale de SOGEBANK dans le domaine des transferts financiers et membre du comité exécutif de la fondation SOGEBANK. Il est également membre et trésorier actuel du Forum Économique du Secteur Privé. Il a travaillé pendant deux ans avec la Société Financière Internationale (IFC) et a acquis une expérience extraordinaire, en matière de financement de projets et d'analyse économique, à l'échelle nationale et internationale. Il intervient fréquemment, dans les médias haïtiens apportant, un point de vue éclairé de la réalité économique et financière.
Approche du Comité d’Éminents Économistes
Le Comité d’Éminents Économistes s’est exprimé à propos des propositions de recherche et à répondre à la question : à quelles initiatives les ressources supplémentaires devraient-elles être allouées en priorité ? le Comité d’Éminents Économistes souhaite que ces recherches soient informatives non seulement pour le gouvernement haïtien mais également pour les ONG et les donateurs internationaux.
Le Comité a examiné les propositions en détail. Chaque proposition a été discutée avec son auteur principal. Le Comité s’est enrichi des rapports d'experts du secteur et par leurs propres évaluations et discussions critiques sur les hypothèses et sur la méthodologie.
Pour classer les propositions, le Comité d’Éminents Économistes a principalement tenu compte des coûts et des avantages sociaux, économiques et environnementaux.
Le Comité d’Éminents Économistes a reconnu les difficultés que l'analyse coûts-avantages doit surmonter, aussi bien en théorie qu’en pratique, mais a convenu que l'approche coûts-avantages était une méthode d'organisation indispensable.
Chaque membre du Comité d’Éminents Économistes a assigné son propre classement aux propositions . Le classement du Comité d’Éminents Économistes a été calculé en prenant la médiane des classements individuels. Les membres du Comité se sont accordés pour que leur point de vue soit représenté par un classement médian.
Classement des Propositions
Le Comité d’Éminents Économistes considère et priorise des propositions spécifiques pouvant répondre aux défis. Ce qui est diffèrent de l’ordre de priorité des défis eux-mêmes. Un faible classement d’une proposition ne signifie pas que le problème soulevé serait sans importance ou moins important.
Le classement de certaines propositions y compris le système d’aide juridique national, l’assistance aux victimes de la violence domestiques et la numérisation de services publiques disponibilité des données et ont eu un faible classement parmi d’autres raisons, en raison des préoccupations que les propositions n’auraient pas soulevées adéquatement les aspects importants des problématiques qu’ils devaient aborder.
Le Comité d’Éminents Économistes souhaite spécialement souligner l’importance de résoudre le problème de la violence domestique, de résoudre les lacunes dans le système juridique et d’améliorer la prestation de services publiques.
Préoccupé par la violence domestique, le Comité voudrait souligner l’effet bénéfique que pourraient avoir les propositions ayant un classement plus élevé sur la résolution de ce problème, tel que l’autonomisation financière des filles et des femmes. Ces considérations ont été pris en compte.
Le Comité d’Éminents Économistes voudrait également souligner l’importance de l’augmentation des salaires, en particulier chez les femmes, et aussi l’enregistrement des naissances et la fourniture des pièces d’identité. Il recommande d’étudier un large éventail de mesures, y compris des améliorations au système existant, et que l’enregistrement électronique des naissances ne soit pas considéré de manière isolée.
Il faut accorder beaucoup d’attention aux structures institutionnel et financières en ce qui concerne la mise-en-œuvre de ces propositions, comme ceux-ci du system de transport routier pour les récoltes.
En établissant les priorités, le Comité d’Éminents Économistes a pris en compte les points forts et les faiblesses des évaluations coûts-avantages à l'étude et a accordé de l’importance à la fois aux conditions préalables institutionnelles pour le succès et aux exigences d'importance éthique ou humanitaire.
Sur la base des coûts et des avantages des solutions, le Comité d’Éminents Économistes a classé les propositions, par ordre décroissant de désirabilité, comme suit :
Classement | Proposition |
---|---|
1 | réforme ED'H |
2 | enrichissement de la farine de blé |
3 | stimulation de la petite enfance |
4 | formation des premiers intervenants |
5 | vaccination infantile, 0-1 ans |
6 | santé maternelle et néonatale |
7 | accès à la contraception |
8 | personnel qualifié lors de l’accouchement |
9 | internet mobile à haut débit |
10 | système électronique des douanes du port |
11 | actes de naissance électronique |
12 | calcium et micronutriments durant la grossesse |
13 | poudre de micronutriments pour les enfants de ½-2 ans |
14 | rétention des filles à l'école |
15 | aliments thérapeutiques préparés local |
16 | éducation des enfants à un niveau adapté |
17 | aliments thérapeutiques préparés conventionnel |
18 | décentralisation |
19 | extension des réseaux de distribution |
20 | numérisation des services publics |
21 | refuges pour femmes et enfants |
22 | réseau national de transport |
23 | formation des enseignants |
24 | gestion des maladies infantiles |
25 | système d’alerte précoce inondation |
26 | vaccination à l’école choléra 1 dose |
27 | transferts conditionnels d’espèces, l’école secondaire |
28 | clinique scolaire mobile |
29 | centres de santé dans les communautés rurales |
30 | système d’alerte précoce inondation et les abris |
31 | accès à l’eau en milieu rural |
32 | formation professionnelle |
33 | amélioration des systèmes agroforestiers |
34 | vaccination de masse choléra 1 dose |
35 | numériser les registres fonciers |
36 | l’assainissement total pilote par la communauté |
37 | rémunération au rendement dans les services publics |
38 | traitement du diabète de type 1 chez l'enfant |
39 | réseau ambulancier urbain |
40 | expansion de programme de graduation |
41 | route gonaives-pdp |
42 | établir le vote électronique |
43 | système de transport routier des récoltes |
44 | subventions des écoles privées |
45 | dépistage et traitement du vih |
46 | centrale gaz à cycle combiné |
47 | vaccination de masse choléra 2 dose |
48 | réchauds améliorés |
49 | éducation civique |
50 | clinique scolaire fixe |
51 | enseignement en créole |
52 | système national d'assistance légal |
53 | augmenter la production du biogaz |
54 | réseau ambulancier national |
55 | centrales au charbon |
56 | force de patrouille nationale |
57 | uniformes scolaires gratuits |
58 | hors réseau hydroélectriques pour les villages |
59 | dépistage et traitement de l’hypertension |
60 | hors réseau diesel pour les villages |
61 | système hydroélectrique |
62 | expansion de programme de microfinance |
63 | système éolien |
64 | assurance pour les récoltes |
65 | remplacement de réchauds à charbon par gaz |
66 | centre d’emballage et de conservation |
67 | assistance téléphonique aux victimes de violence domestique |
68 | subvention de l’engrais, riz |
69 | assainissement amélioré en milieu urbain |
70 | système solaire photovoltaïque |
71 | pont rivière les anglais |
72 | achat et approvisionnement de produits locaux |
73 | R&D agricole |
74 | assainissement de base en milieu urbain |
75 | diesel, panneaux solaires et batteries pour les villages |
76 | production intensive de riz |
77 | remplacement de réchauds à bois par gaz |
78 | laviolence dans les fréquentations des jeunes |
79 | système solaire réfléchissant |
80 | vaccin des filles, cancer du col |
81 | tarification du carbone |
82 | tarif de 20% sur le riz, pour 10 ans |
83 | augmentation des salaires du service public de 10% |
84 | salaire minimum, travailleurs domestiques* |
85 | congé paternité payé |
* Le Comité d’Éminents Économistes insiste sur l’importance d’augmenter les salaires, en particulier chez les femmes, mais la formulation de la proposition en question n'était pas suffisamment claire en ce qui concerne les avantages net pour le groupe cible.